En se levant ce matin-là, Valentin était loin, très loin même d’imaginer tout ce qui allait lui arriver, à peine le soleil couché. C’est donc à son aise qu’il s’était levé, au moment même où la sonnerie de son réveil avait retentie, pour ensuite se rendre dans la salle commune et prendre le petit déjeuné avec quelques uns de la confrérie, autrement dit ceux qui prenaient le temps de se remplir le ventre avant d’aller en cours et aussi ceux qui avaient le courage de se lever tôt. Comme à son habitude en semaine, il se servit un bol de céréales et l’engloutit en moins de deux. Et évidement, comme cet unique bol de céréales ne lui suffisait pas, il s’en resservit un deuxième. Ce n’est que vers huit heures trente qu’il se décida à arrêter de parler avec les gens qui étaient avec lui à table pour aller se préparer. Constatant par la même occasion que l’heure était déjà très avancée, il prit une douche rapide et s’habilla tout aussi rapidement, revêtant un jean et un t-shirt bordeaux avec quelques inscriptions dessus. Vu son manque de temps flagrant, il décida de ne pas se raser aujourd’hui, après tout ça ne ferait de mal à personne, mais prit quand même le temps de se brosser les dents et d’arranger ses cheveux. Une vraie fille ? Loin de là ! C’est juste que Cooper fait partie de ceux qui font attention à leur présentation physique, et puis on ne pouvait absolument pas le comparer à une fille : il ne restait que vingt minutes dans la salle de bain tous les matins. Il était donc maintenant neuf heures moins dix, ce qui lui faisait une dizaine de minutes d’avance sur le début des cours. Il prépara ses cours en vérifiant de ne rien oublier, les fourra dans son sac à dos et sortit enfin de la petite maisonnée des PWU-WAB. La journée s’annonçait plutôt bien, alors Valentin était enthousiaste. Premièrement, le soleil était encore au rendez-vous – quoi de plus normal après tout aux Bahamas – et deuxièmement, le vendredi était sa journée préférée parce qu’il n’avait que – ou presque – des cours qui lui tiennent à cœur. Bon évidemment, il ne commençait pas avec quelque chose de très plaisant étant donné qu’il s’agissait du cours de français. Mais une fois les deux premières heures de cours passées, il se rendit au cours de graphisme sui se promettait d’être beaucoup plus intéressant. Etudiant pour devenir photographe professionnel, il fallait bien qu’il s’intéresse à ce genre de chose et qu’il aime le faire. A la fin de ce cours, qui avait quelque peu débordé sur son temps de midi, leur prof les informa en vitesse de leur prochain travail. Ce qu’ils devaient faire cette fois était complètement différent, comme s’ils étaient passés à un stade supérieur ou que leur professeur avait eu cette idée soudaine. La tâche n’était pourtant pas compliquées pour autant, ils devaient captures des images du quotidien, des images impressionnantes et vivantes, représentant le naturel et la simplicité, à la différence que cette fois-ci, ils devaient dire adieu à leur appareil photo et le remplacer par un caméscope. Si certains étaient déstabilisés, Valentin, lui, était tout excité à l’idée de commencer ce travail qui était à remettre pour la semaine prochaine. Les instants qu’ils devaient filmer ne devaient pas spécialement durer plus de trente seconde, du moment que leur montage vidéo à la fin était concordant et jolie à regarder, ils avaient relevé le défi. Un défi ? Oui, Cooper préférait le voir de cet œil, tout simplement parce que s’il l’avait vu comme un travail – pénible ou non – il ne l’aurait pas fait à fond. Etant donné que sa journée était maintenant finie, il était libre de faire ce qu’il voulait, comme bon lui semblait. En bon ami il décida de passer son temps de midi avec ses potes qui, eux, n’avaient pas encore fini les cours, puis décida de rester avec ceux qui étaient dans la même option de lui. Tout le monde partageait ses idées de capture d’images, sauf Valentin, car bien qu’il soit enthousiaste, il n’avait pas encore vraiment d’idées. Mais ça lui viendrait, surement. En tout cas, l’idée qu’il avait de cette vidéo était déjà tout autre que celle de ses camarades. Ceci dit, si les idées sont différentes, leur professeur ne sera que plus fier d’eux et aura certainement plus de courage à les regarder que si elles s’étaient toutes rassemblées.

En fin d’après-midi, il se leva d’un bond de la pelouse où ils s’étaient tous installés, s’excusa de devoir partir si précipitamment et s’en alla vers sa voiture. Pourquoi cette réaction si soudaine ? Et bien notre cher Cooper venait de se rendre compte que – malheureusement – il n’avait pas de caméra. Oui, cela aurait pu lui venir plus tôt en tête, mais après tout, il avait encore du temps devant lui, il n’était que dix-sept heures quarante et les magasins étaient encore loin de fermer. Il monta dans sa voiture et mit le cap vers le centre de Nassau. Malheureusement pour lui, la boutique la plus fiable en matière de technologie était fermée le vendredi après-midi. Du coup, Valentin tourna en rond pendant plus d’une heure dans le centre de la ville dans l’espoir d’enfin trouver un caméscope digne de ce nom. Quand enfin il fit sa trouvaille, il fut soulagé. Décidé à ne pas perdre de temps, il déballa l’engin et le mit en marche. Là, passait une petite fille, une main dans la main de sa mère et l’autre un gigantesque ballon qui flottait au bout d’une ficelle. Il ne put s’empêcher de les filmer, un court instant. C’était tout ce qu’il cherchait : du naturel, de la simplicité, quelque chose d’impressionnant. Car combien d’enfants de nos jours ont la chance d’être aimés par leurs parents et qui ont aussi la chance d’en profiter ? Je crois que cette question ne mérite pas vraiment de réponse. Il décida ensuite de retourner à l’est de Nassau, vers la plage, où l’inspiration lui viendrait surement. Il passa par le magasin de surf pour dire bonjour aux dirigeants qu’il connaissait très bien. Ils en profitèrent pour aller manger un sandwich ensemble, et puis il les abandonna. Ne sachant pas vraiment quoi faire, il avait commencé par se balader les pieds nus sur le sable, chaussures et caméra en main. Un instant il filma un couple faire du cerf-volant. Petit à petit, ses pas le menèrent vers le port. Un endroit magnifique avec toutes ces lumières et ces bateaux plus beaux les uns que les autres. Il se demanda alors pourquoi il ne s’en était toujours pas offert un, lui qui avait toujours rêvé de ça, mais pensa qu’il remettrait cette question à plus tard. Ayant remis ses chaussures aux pieds, il monta sur le ponton et décida d’aller jusqu’à la fin de ce ponton qui paraissait interminable. Au fil de ses pas, le ciel commençait à avoir des tons orangés et rosés qui lui donnaient une allure de magnifique. Allait-il filmer ça ? En tout cas, ses yeux se rivèrent sur la silhouette d’une femme, une dizaine de mètre plus loin. De là où il était, Valentin n’en voyait qu’une silhouette noire, qui, les cheveux au vent, était accoudée à la rambarde, se fondant à merveille dans le paysage. Sans plus attendre, il sortit discrètement son caméscope et filma la scène qui se déroulait devant lui. A nouveau, il n’en captura que quelques secondes. Ce n’est qu’en refermant son appareil qu’il se rendit compte que cette silhouette lui était familière. Et pour cause, il l’avait regardée tant de fois, sans même qu’elle ne s’en aperçoive. Il aurait pu la redessiner, les yeux fermés, tellement il la connaissait. Réalisant, son cœur rata un battement, et puis commença à s’affoler. Il avait une telle envie d’aller vers elle, d’arriver par derrière, de la prendre au creux de ses bras, de sentir son odeur, sa présence, et toutes ces petites choses auxquelles il avait eu droit avant. Mais d’un autre côté, il ne pouvait se le permettre. Ça faisait quoi ? Un an maintenant qu’il ne l’avait plus revue ? Depuis cette nuit-là, elle avait disparue et maintenant elle était revenue, comme un boumerang, un boumerang qui vous revient en pleine face et vous colle la vérité sous le nez. Oui, Cooper avait été lâche de la laisser comme il l’avait fait, bien que ce soit elle qui était partie. Mais étrangement, chaque fois qu’il la revoyait, l’évidence frappait à sa porte. Il n’était pas parvenu à l’oublier et jamais il n’y arriverait. Ayant refusé de faire demi-tour, rongé par l’envie d’aller lui parler et d’entendre sa voix, Valentin s’était approché d’elle, à pas lents.

VALENTIN ▬ Salut Jordan …

Parvint-il à dire dans un souffle. Son cœur cognait dans sa poitrine, elle avait l’air surprise de le voir, mais ce qui lui faisait le plus peur allait être sa réaction.